Joséphine Baker

 



Joséphine Baker, star de l'entre-deux-guerres, s'est mise au service de la France pour lutter contre les nazis. Avec son entregent et son courage, elle a prêté main-forte à la Résistance.

"J'ai deux amours, mon pays et Paris." Dans sa célèbre chanson(Nouvelle fenêtre), Joséphine Baker clame son attachement à la France et à sa capitale. Lorsqu'elle l'entonne pour la première fois en 1930, elle est une immense star de la Revue nègre, spectacle musical qui a contribué à populariser en France le jazz et la culture noire américaine. Ce n'est pas seulement sur scène que cette native du Missouri, née en 1906 dans un milieu pauvre, va briller. Son entrée au Panthéon mardi 30 novembre, près d'un siècle après les débuts de ce morceau, constitue un hommage à l'abnégation dont elle a fait preuve au cours de la Seconde Guerre mondiale, période durant laquelle elle s'est illustrée en tant qu'espionne.

Quand la France déclare la guerre à l'Allemagne, le 3 septembre 1939, Joséphine Baker vit entre la capitale, où elle se produit dans une revue au Casino de Paris, et Le Vésinet (Yvelines), où elle possède la villa Beau Chêne. Elle a obtenu la nationalité française deux ans auparavant, après son mariage avec le courtier juif Jean Lion. Le 2e Bureau, le service de renseignement français, cherche alors d"honorables correspondants", "c'est-à-dire des personnalités dignes de confiance dont il avait l'intention d'utiliser la notoriété et les fréquentations dans les milieux diplomatiques pour les infiltrer et obtenir des renseignements", explique à franceinfo l'historienne Frédérique Neau-Dufour.

Pour l'amour de la France

L'officier Jacques Abtey, espion au sein du 2e Bureau, rencontre la danseuse dans sa demeure du Vésinet, dès septembre 1939. L'idée lui a été soumise par l'imprésario Daniel Marouani. Sceptique au départ, le militaire est vite conquis, d'autant que l'artiste est emballée par le projet, comme il le relate dans son livre La Guerre secrète de Joséphine Baker (éd. La Lauze). "C'est la France qui a fait ce que je suis, je lui garderai une reconnaissance éternelle. La France est douce, il fait bon y vivre pour nous autres gens de couleur, parce qu'il n'existe pas de préjugés racistes, assure-t-elle à Jacques Abtey. Ne suis-je pas devenue l'enfant chérie des Parisiens ?"  

"Je suis prête, capitaine, à leur [les Parisiens] donner aujourd'hui ma vie. Vous pouvez disposer de moi comme vous l'entendez."

Joséphine Baker

dans "La Guerre secrète de Joséphine Baker"

"Elle voulait défendre sa nouvelle patrie, c'est un engagement tout à fait sincère et spontané", assure à franceinfo son ancienne secrétaire particulière Michèle Barbier. "Elle était très cocardière", confirme le biographe Emmanuel Bonini, auteur de La Véritable Joséphine Baker (éd. Pygmalion). Arrivée en France en 1925, après avoir fui les Etats-Unis ségrégationnistes, Joséphine Baker se souvient d'avoir été bien reçue. "Français, Françaises, immédiatement gentils", raconte-t-elle à Marcel Sauvage, qui a retracé sa vie au cours de longs entretiens dans Les Mémoires de Joséphine Baker (éd. Dilecta). 

"A l'époque, en France, le racisme existe, même s'il exprime différemment qu'aux Etats-Unis, contextualise Frédérique Neau-Dufour. Dans les colonies françaises, les personnes noires n'ont pas les mêmes droits que les Européens. En métropole, les rares personnes non blanches sont généralement considérées comme inférieures." Mais la personnalité et le statut d'artiste de Joséphine Baker lui ont permis de se faire une place, explique l'historienne.

Elle cache des armes et des résistants

Dès octobre 1939, elle apporte "les premières preuves de son efficacité", assure Emmanuel Bonini. Courtisée pour être la star d'un film de propagande communiste qui doit "mettre en évidence l'oppression des Noirs dans les colonies françaises", elle reçoit au Vésinet le banquier suédois Olof Aschberg, à l'initiative du projet. Ce dernier est soupçonné d'être le grand dispensateur des fonds de propagande en France. Le déjeuner à la villa Beau Chêne sert de test au 2e Bureau pour enregistrer des conversations. Le film, lui, ne se fera pas.

Le 22 juin 1940, l'armistice entre la France et l'Allemagne, demandé par le maréchal Pétain, est signé à Rethondes, en forêt de Compiègne (Oise). Joséphine Baker décide alors de ne plus monter sur scène. "Elle a toujours dit qu'elle avait refusé de se produire devant les Allemands, mais lorsque les nazis arrivent à Paris, les Noirs sont interdits de scène. Et elle n'a guère envie de s'associer à ce régime raciste, d'autant plus qu'elle a épousé un juif", souligne auprès de franceinfo la journaliste et écrivaine Liesel Schiffer, coautrice de Ces immigrés qui ont fait la France (éd. Aubanel). 

Portrait de Joséphine Baker en uniforme, réalisé au Grand Palais à Paris, le 1er janvier 1948. (STUDIO HARCOURT / MINISTERE DE LA CULTURE / AFP)
Portrait de Joséphine Baker en uniforme, réalisé au Grand Palais à Paris, le 1er janvier 1948. (STUDIO HARCOURT / MINISTERE DE LA CULTURE / AFP)

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